
L'avenir incertain de l'Afit France
Un tournant pour le financement des infrastructures de transport
L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) célèbre ses 20 ans. À la veille de la conférence sur le financement des mobilités, un colloque organisé au ministère des Transports a permis de soulever quelques questions clés sur le financement des mobilités et la planification des investissements à long terme : « Inventer et financer les mobilités ».
Le 25 mars dernier, l'hôtel de Roquelaure à Paris accueillait un colloque marquant les 20 ans de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) sous le thème « Inventer et financer les mobilités : regards et perspectives sur 20 ans d’action publique ». Les débats ont été marqués par le vote, la veille à l'Assemblée nationale, d'un amendement proposant la suppression de l'Afit France.
Une décision controversée
Cette proposition doit encore être examinée en séance publique, avec plusieurs autres propositions de suppressions d'organismes au nom de la « simplification de la vie économique », du nom du projet de loi en cours d'examen.
L'exposé des motifs de l'amendement de suppression invoque un rapport de la Cour des comptes, qui considère l'agence comme une simple caisse de financement subordonnée à l'administration centrale, permettant de contourner la législation budgétaire.
Cependant, les défenseurs de l'Afit France, dont Philippe Duron, ancien président de l’agence, et Philippe Tabarot, ministre chargé des Transports, contestent cette vision. Ils soulignent que l'agence a été créée précisément pour dépasser le principe d'annualité budgétaire, permettant ainsi une planification à long terme des investissements en infrastructures de transport. Clément Beaune, haut-commissaire au plan et ancien ministre des Transports, a également plaidé en faveur de l'agence, mettant en avant son rôle dans la capacité de l'État à planifier et à tenir ses engagements.
Un modèle de rigueur budgétaire
L'Afit France se distingue par son modèle de rigueur budgétaire, avec un coût de fonctionnement de 795 000 € pour cinq équivalents temps plein, et des financements accordés s'élevant à 4,8 Md€ en autorisations d'engagement et 4,3 Md€ en crédits de paiement en 2024. Christophe Béchu, ancien président, a vanté ce modèle, soulignant que l'agence répond à l'injonction contradictoire de la règle du consentement annuel à l'impôt et de la nécessité d'investissements de long terme.
Des investissements indispensables pour les mobilités
Le colloque a mis en lumière l'importance des investissements dans les mobilités, en particulier dans les territoires ruraux. Franck Leroy, actuel président de l'Afit France, a souligné une demande sans précédent en matière de mobilités, nécessitant des financements innovants.
La conférence de financement des mobilités « Ambition France Transports », prévue en mai prochain, devra aborder des questions stratégiques comme la desserte des Services express régionaux métropolitains (Serm), l’avenir des concessions autoroutières, la régénération du réseau ferroviaire et le transport de marchandises.
Des défis à relever
Les échanges ont révélé plusieurs défis à relever pour financer les mobilités :
- David Valence, président du Comité d'orientation des infrastructures, a insisté sur la nécessité de traiter les « mobilités » plutôt que les « transports », en partant de la demande et des besoins des usagers.
- Clément Beaune a dénoncé la passion française pour les nouvelles infrastructures, plaidant pour la régénération du réseau ferroviaire, le plus vieux d'Europe.
- Sophie Mougard, inspectrice générale à l'IGEDD (Inspection générale de l'environnement et du développement durable), a déclaré préférer l'arbitrage au saupoudrage des financements.
- Maxime Forest, directeur général de France Logistique, a rappelé l'importance du transport routier pour les marchandises et la nécessité de disposer d'infrastructures de recharge adéquates.
- Philippe Duron a plaidé pour une réhabilitation des partenariats public-privé, arguant qu'ils sont très efficaces dans le contexte budgétaire actuel.
Conclusion
Alors que la demande en mobilités ne cesse de croître, il devient urgent de trouver des solutions innovantes et durables pour répondre aux besoins des territoires, tout en respectant les contraintes budgétaires et environnementales.
La conférence « Ambition France Transports » sera un moment clé pour définir les orientations futures et garantir la pérennité des investissements dans les infrastructures de transport, avec ou sans l’Afit France.
À l’heure où ces lignes sont écrites, les députés ont confirmé la suppression de l’agence en prévoyant que celle-ci ne prenne effet qu’à compter du 1er janvier 2026, une fois le projet de loi de finances adopté, afin de laisser le temps nécessaire à la création d’un programme spécifique, lors des discussions budgétaires, pour permettre une meilleure traçabilité des crédits transports.