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Conférences sur les villes durables
Quel avenir pour la mobilité urbaine ?
Jean-Louis PerrotMembre du comité de pilotage - RGRA

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Organisée par l’agence Rivington, la 6e édition de la conférence Transports et mobilité durable s’est tenue le 27 novembre 2019, à la Maison de la chimie à Paris. Partant du constat que l’on vit une véritable mutation avec la transformation numérique et les nouvelles mobilités, cette conférence confirme la réflexion nécessaire sur ce que sera la mobilité à l’horizon 2040-2050 et la façon dont elle redessinera la ville de demain.

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De gauche à droite : Gilles Laurent, Philippe Duron, Valérie Lacroute, Jean Coldefy, Jean-Marc Zulesi.
De gauche à droite : Gilles Laurent, Philippe Duron, Valérie Lacroute, Jean Coldefy, Jean-Marc Zulesi.
Rivington

HORIZON 2050, QUELS USAGES DES MOBILITÉS ?
 

Un premier débat sur ce thème a réuni : V. Lacroute, députée de Seine-et-Marne, vice-présidente du Gart, J.M. Zulesi, député des Bouches-du-Rhône, coordinateur LReM pour le projet de loi d’orientation des mobilités, J. Coldefy, Transdev, P. Duron, président du Conseil d’orientation des infrastructures, et G. Laurent, vice-président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports).

Les villes sont des lieux où les énergies fossiles n’auront bientôt plus leur place. La loi d’orientation des mobilités (LOM) offre de nouvelles perspectives en matière de mobilités douces (la marche, le vélo...), d’où la nécessité d’avoir une vraie réflexion sur la place de ces nouveaux modes de déplacement, sur la façon de les intégrer dans le quotidien des usagers et sur les dispositions à prendre pour encourager leur développement. Il s’agit également d’assister les élus pour le réaménagement des villes qui doit en découler et mieux penser la logistique urbaine.

Selon V. Lacroute, la LOM est une loi technique, une boîte à outils proposant de nombreuses mesures mais ne donnant pas les moyens de mettre en œuvre une vraie mobilité. Pour les collectivités, les moyens financiers ne sont pas là. Le volet financier est le point faible des mesures annocées, car il ne permet pas d’assurer les conditions d’une mobilité satisfaisante sur tout le territoire.
La Fnaut souligne que diviser par cinq les émissions de CO2 en 2030, c’est diviser par deux la circulation des voitures et par trois celle des poids lourds. Le chemin qui reste à faire est considérable si l’on se compare à d’autres pays ; dans cette mutation, le train peut jouer un rôle fondamental. P. Duron estime que la LOM donne des orientations et qu’elle met en place des avancées essentielles avec la digitalisation des transports, les data ou la régénération et la modernisation des réseaux. La gouvernance est un sujet complexe sur lequel il faut encore progresser pour fixer les rôles respectifs de l’État, des régions, des intercommunalités et des villes. Concernant le financement des mesures, le principe de l’affectation des recettes est aujourd’hui acté, reste à mobiliser ces moyens financiers à hauteur des besoins. La mobilité urbaine est devenue un vrai marché sur lequel se positionnent de nombreux acteurs : entreprises, opérateurs... Cela permet de recourir à des fonds extérieurs. « Certes, l’ouverture à la concurrence fait peur, mais constatons que partout ailleurs, tout le monde y a trouvé son compte. »

Les cinquante aires urbaines de France regroupent environ 50 % de la population, dont la moitié réside en périphérie des agglomérations. La métropolisation des emplois a entraîné une explosion des prix de l’immobilier de centre-ville et une augmentation considérable des distances parcourues. Souvent, les périmètres administratifs ne correspondent pas aux flux de déplacement, ce qui conduit à l’existence de schémas de transport non conformes aux bassins de vie. Il y a urgence à mieux relier les grandes villes avec leur territoire.

La mobilité ne peut être pensée seule ; elle doit être mise en dialogue avec les politiques foncières, du logement et d’aménagement urbain. En remodelant la ville autour des futures gares, le Grand Paris s’efforce de penser transport au plus près de l’urbanisme. La création de voies réservées aux transports en commun sur les pénétrantes, le transport à la demande dans les zones d’activité pour la desserte au plus près des emplois et, de manière générale, l’optimisation de l’existant sont autant de pistes à explorer et à développer pour créer une véritable alternative à la voiture.

Le problème du financement constitue un réel débat de société. Le transport a un coût ; la gratuité n’existe pas. C’est une démarche de villes riches qui ont des populations pauvres. A priori, on n’échappera pas à la taxation de l’usage de la route comme cela se pratique déjà dans certains pays européens, la Suède ou la Grande Bretagne. Dans le cas contraire, ce sera au contribuable de financer et, au final, l’on créera de la dette. Les intervenants concluent que tous les modes de déplacement ont leur place et qu’il ne faut pas les opposer. Pour redessiner la ville de demain, l’État doit être stratège et doit définir les grands principes auxquels les collectivités devront s’agréger.

RÉVOLUTIONS NUMÉRIQUE ET ÉNERGÉTIQUE : QUELLE(S) RÉVOLUTION(S) POUR LES MOBILITÉS ?

Au cours de ce second débat, sont intervenus : É. Botherel, député des Côtes-d’Armor, A.L. Cattelot, députée du Nord, C. Baritaud, directrice de la mission innovation, numérique et territoires, DGITM, F. Baverez, directeur exécutif France de Kéolis, F. Gilbert, directrice générale de Wimoov et M. Vullien, sénatrice du Rhône.

Le numérique est le moteur essentiel de production de données, mais encore faut-il qu’il formate des services, comme l’uniformisation de la billettique sur différents modes de déplacement, qui soient acceptés par l’usager. La circulation des données accroît la liberté de choix en matière de mobilité pour l’utilisateur et stimule la concurrence entre les différents opérateurs, à condition qu’elle soit loyale, qu’elle apporte des garanties sur la propriété privée des données, et qu’elle ait un cadre d’utilisation, comme la création d’un point d’accès national.

Des bouquets de services sont à disposition de tous grâce aux smartphones. Toutefois, pour éviter tout conflit d’usage, en particulier de la voie publique, l’existence d’une gouvernance minimale et d’une régulation au niveau local s’imposent.

Il convient de ne pas oublier que les solutions numériques ne sont pas adaptées à tous, d’où la nécessaire présence humaine et de centres d’appels pour ne pas laisser d’usagers en marge de cette révolution numérique.

Ainsi, Wimoov s’est spécialisé dans l’accompagnement de personnes fragiles en matière de formation ou de conception d’outils ouvrant le numérique à tous et pouvant pour certains favoriser le retour à l’emploi. Les niveaux de compréhension du numérique sont très différents d’une personne à l’autre. La fracture numérique est un risque si l’on mise trop sur le recours aux nouveaux outils disponibles. Comment faire pour ne pas mettre les usagersendifficultédansunedémarche de transition vers d’autres modes énergétiques tel que l’électrique ou l’hydrogène ? « On va peut être un peu vite parce que l’on n’a pas été assez vite auparavant », selon É. Botherel. En France, on est essentiellement guidé par la contrainte et l’incitation fiscale ou la taxation. Le pragmatisme, une meilleure information sur les outils disponibles, la tarification sociale, la souplesse et la progressivité sont, de l’avis des intervenants, des dispositions à mettre en pratique pour porter des réformes de progrès et mettre de côté précipitations et exigences individuelles. La réduction des émissions de gaz à effet de serre est intimement liée au verdissement des flottes de véhicules de transport public. Deux solutions alternatives au diesel, que l’on a banni un peu vite, montent en puissance : le gaz naturel et éventuellement le gaz de méthanisation, et l’électrique, une technologie mutante avec les avancées sur la performance des batteries, mais dont le bilan environnemental dépend de l’origine de l’électricité (nucléaire, énergies renouvelables ou production à partir du charbon). Sur une durée de vie de 15 ans, le bus électrique coûte 1,5 fois le coût d’un véhicule diesel. Concernant l’hydrogène, on s’affranchit du problème posé par les batteries (autonomie, poids, temps de recharge...), mais, en l’état actuel des développements technologiques, son coût revient à quatre fois celui du diesel. Sachant qu’il faut 15 ans pour renouveler un parc automobile, 2035 constitue la cible pour ne plus recourir qu’à des véhicules à zéro émission, si l’on veut respecter l’impératif climatique de zéro émission nette en 2050.

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De gauche à droite : Frédéric Baverez, Claire Baritaud, Éric Botherel, Anne-Laure Cattelot, Florence Gilbert, Michèle Vullien.
De gauche à droite : Frédéric Baverez, Claire Baritaud, Éric Botherel, Anne-Laure Cattelot, Florence Gilbert, Michèle Vullien.
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CONCLUSION
 

En conclusion des débats, P. Pélata, coauteur du rapport sur les nouvelles mobilités et les véhicules autonomes, estime que le véhicule du futur doit être partagé, électrique, connecté et autonome, mais à condition d’être régulé par les pouvoirs publics et de jouer le rôle de rabatteur vers les transports en commun lourds.

Le parc de véhicules possédés par leur conducteur va baisser et les pouvoirs publics vont freiner de plus en plus l’usage de la voiture particulière en ville. 58 % des ménages parisiens n’ont pas de voiture en propre. Des technologies nouvelles mûrissent en grand nombre pour répondre aux défis environnementaux. On assiste donc à une transformation fondamentale des modes de déplacement. Reste posée la question de la gouvernance pour changer la manière de se déplacer et, plus largement, de penser la ville et d’y vivre. 

Revue RGRA