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Débat « Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente » Enjeux et défis pour la France
Jean-Louis PerrotMembre du comité de pilotage - RGRA

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Le 9 décembre 2020, la Commission européenne a publié sa « Stratégie pour une mobilité durable et intelligente » qui précise les orientations relatives aux transports composant un des volets du Pacte vert (Green Deal) pour l’Europe. Afin de prolonger sa participation aux mesures annoncées, le think tank TDIE, en collaboration avec la revue Transports Infrastructures & Mobilité, a organisé, le 26 janvier 2021, un débat en visioconférence sur les enjeux et les défis de cette stratégie pour la France.

Le climat est cœur des priorités affichées par Ursula van der Leyen, présidente de la Commission européenne depuis juillet 2019. Dès le 11 décembre 2019, la publication de la communication « Un Pacte vert pour l’Europe » a donné les moyens à l’Union européenne (UE) d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Au vu du poids des émissions dues au secteur des transports dans le volume global des rejets de gaz à effet de serre (GES), l’accélération de la transition vers une mobilité durable et intelligente en constitue l’un des volets majeurs.

Le 9 décembre 2020, la Commission européenne a publié sa « Stratégie pour une mobilité durable et intelligente », qui précise les orientations relatives aux transports composant le volet transport du Pacte vert (Green Deal) pour l’Europe. C’est dans ce contexte que TDIE a organisé, le 26 janvier 2021, un débat sur le thème : « Stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente : enjeux et défis pour la France » auquel ont participé :

  • Louis Nègre et Philippe Duron, coprésidents de TDIE ;
  • Herald Ruijters, directeur en charge des investissements, des transports innovants et durables à la DG Move de la Commission européenne ;
  • Anne-Marie Idrac, ancienne secrétaire d’État chargée des Transports, présidente de France Logistique ;
  • Pierre-Alain Roche, président de la section mobilités et transports du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ;
  • David Valence, vice-président de la région Grand Est délégué aux mobilités et infrastructures de transport ;
  • Jean-Marc Zulesi, député des Bouches-du-Rhône et coprésident de France Mobilités.

Dans sa présentation de la stratégie européenne, Herald Ruijters estime que tout a commencé avec l’Accord de Paris de 2016, qui a tracé le chemin. 2030 est une étape importante afin de ne pas repousser à 2050 les actions à entreprendre. Il s’agit de faire en sorte que tous les modes de transport soient plus durables en stimulant, par exemple, la mise en service de véhicules zéro émission, que les alternatives durables soient disponibles à grande échelle pour permettre de meilleurs choix modaux et que l’on dispose de mesures d’incitation appropriées pour stimuler la transition vers cette mobilité zéro émission.

Les objectifs sont-ils atteignables ? 

Anne-Marie Idrac constate que la logistique a souvent été le parent pauvre de la mobilité. Tous les logisticiens sont engagés dans cette transition, mais les évolutions doivent se faire selon des trajectoires et des jalons. Il s’agit d’un changement d’échelle considérable concernant en particulier l’investissement de véhicules poids lourds décarbonés (4 à 6 fois le coût d’un véhicule à énergie fossile) et les conditions d’exploitation ou d’autonomie de véhicules électriques, ou fonctionnant avec des carburants renouvelables comme l’hydrogène propre. Autant de sujets majeurs à étudier si l’on veut éviter des désillusions.

Concernant le fret ferroviaire durable, il s’avère impossible de décarboner le transport de marchandises si l’on ne travaille pas sur le volet transport routier de ces marchandises, qui restera toujours dominant à hauteur de 80 % même si le ferroviaire connaît une croissance de sa part de marché. 80 % des vols dans le transport aérien se font sur plus de 1 000 km et sont donc hors de portée du report modal.

On est encore loin de la sobriété d’usage de la voiture, d’où un covoiturage en situation difficile, traduisant une évolution forte et nécessaire des mentalités.

La Commission européenne incite à œuvrer autrement et à réfléchir à 10 ou 20 ans sur les investissements à engager sur les infrastructures en termes d’offres et de qualité de service pour le meilleur report modal possible. Les modes de transport ne s’opposent pas, aussi, le pilotage des mesures doit être européen avec des pays qui s’engagent, une dynamique d’animation qui génère une mobilité plus accessible pour tous et plus sûre. Les régions doivent être associées à cette stratégie européenne si l’on veut se fixer des objectifs pragmatiques et atteignables.

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Le débat organisé en visio-conférence par TDIE et Transports Infrastructures & Mobilité.
Le débat organisé en visio-conférence par TDIE et Transports Infrastructures & Mobilité.

La nouvelle stratégie européenne du green deal est-elle compatible avec la croissance à court terme ?

Sur ce point, la réflexion doit porter sur trois volets : les effets de la mutation sur le secteur des transports, les enjeux sur l’activité économique et le coût de l’inaction. Il s’agit de faire des choix qui créent l’avenir et qui évitent d’entrer dans des impasses.

« Les marchandises ne se téléportent pas », affirme A.-M. Idrac. La transition énergétique sera plus rapide dans l’urbain. À court terme, le recours à l’hydrogène se limitera aux transports massifiés et il n’y a pas de transformation majeure à attendre en dehors de l’Euro 6.

La décarbonation des usages s’avère moins chère que de décarbonner avec le recours à des carburants alternatifs et la mise en place d’infrastructures de recharge ou de ravitaillement. Le verdissement du transport dans l’UE nécessite des dispositifs homogènes entre les pays et la création de corridors au plan européen pour stimuler la transition vers une mobilité zéro émission. Sur ces bases, « Tous ensemble, on peut mettre en place le Pacte vert et assurer une nouvelle croissance », estime D. Valence.

La problématique du financement – Comment décliner la notion de résilience ? Quelle place donner aux investissements d’infrastructures bas carbone et aux carburants alternatifs ?

Selon A.-M. Idrac, « La notion de résilience va avec la démarche de transition. Il n’y a pas de solution magique et il ne faut pas fonder les stratégies uniquement sur le volet énergie ». L’outil numérique paraît performant pour optimiser le remplissage des véhicules et obtenir une meilleure massification. Sur ce plan, le commerce en ligne génère une pratique consumériste qui rend nécessaire de ré-optimiser le système. En pratique, il s’agit de prendre la mesure de la décarbonation et de bâtir des solutions appropriées. « Il n’y a pas d’argent magique. C’est au pollueur de payer. C’est adopter pour logique de s’aider soit même et de trancher des sujets comme la fiscalité et en particulier la refonte de la TICPE. »

Concernant les transports, les recettes couvrent très peu le coût réel (environ 30 %). D’où l’idée de créer un fonds portant sur l’ensemble des transports collectifs, fonds qui pourrait être abondé par exemple par des écotaxes régionales, un système de certification d’économie d’énergie ou de taxe sur les plus-values immobilières. On doit s’inspirer du modèle suisse et ainsi poser en France la question des péages pour enfin faire cesser le conflit annuel concernant les péages ferroviaires.

Le député J.-M. Zulesi pense que 2021 sera une année où le sujet de la résilience sera au cœur du débat parlementaire : « La volonté existe de donner aux régions plus d’oxygène en matière de dépenses et de gestion des sources de financement. »

Dans le cadre du plan de relance, il doit y avoir la volonté clairement affichée d’investir sur les infrastructures (routes, voies ferrées, régénération de petites lignes), de réfléchir à l’acceptabilité de mesures comme le bonus/malus et de revoir le financement du transport public en France en se plaçant au plus près des besoins des territoires.

Conclusion

En conclusion, P. Duron constate la volonté partagée de relever le défi climatique, mais en sachant que la solution ne repose pas exclusivement sur le transfert modal. Tous les modes doivent se décarboner.

Les objectifs définis ne seront atteints que par une modernisation des transports, une interopérabilité plus grande, l’achèvement du maillage avec l’Espagne ou la poursuite de la ligne atlantique à grande vitesse. Cela passe également par une meilleure gestion des flottes, la modernisation du réseau ferroviaire et la remise à plat d’un certain nombre de financement. Ainsi, à une démarche fondée sur une succession de petits pas doit succéder une Europe exemplaire dans le respect des objectifs qu’elle s’est fixée, avec la volonté collective d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. 

Revue RGRA