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Politiques régionales des transports des six prochaines années : priorités et leviers
Jean-Louis PerrotMembre du comité de pilotage - RGRA

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Le think tank TDIE a procédé à une enquête auprès des candidats aux élections régionales des 20 et 27 juin derniers pour connaître la place des transports dans leur programme. Avec quelles priorités, avec quels leviers d’action publique et avec quels moyens financiers élaborer les politiques régionales des transports dans les six prochaines années ? Les résultats de cette enquête ont été présentés lors d’une conférence le 5 juillet 2021.

En ouvrant la conférence, Louis Nègre, coprésident de TDIE, a souligné le décalage entre les candidats et le poids relatif des budgets dédiés au transport. Il note que les défis de la transition énergétique ne font pas débat. Le fret et la logistique, qui ne sont pas des compétences explicites des régions, sont traités par les candidats et aboutissent à certaines propositions sur le sujet, mais tous insistent sur la nécessité de développer l’intermodalité-rail-route, rail-vélo, route-vélo. Enfin, bien que l’insécurité ne soit pas également une compétence régionale, elle est évoquée dans tous les programmes des candidats, toutes tendances confondues.

PROPOSITIONS DES CANDIDATS

Dominique Auverlot et Caroline Daude, membres du conseil scientifique de TDIE, ont présenté l’étude du think tank sur les propositions des candidats, qui peut se résumer en cinq thèmes :

  • Le développement des transports collectifs, et notamment du ferroviaire.
  • Le vélo comme outil de déplacement quotidien, levier d’action des politiques régionales des transports.
  • La gratuité des transports collectifs, qui occupe une place significative dans les réflexions, avec la conviction partagée par plusieurs candidats qu’elle risque de peser lourdement sur le budget des régions. Ce thème débouche à plusieurs reprises sur la question des « petites lignes » ou « lignes de desserte fine du territoire », à traiter ligne par ligne et région par région. 
  • Le développement de l’intermodalité et la qualité des conditions de déplacement comme levier en faveur de l’attractivité des services de transport collectif pour lutter contre l’usage de la voiture en ville et favoriser le recours à des modes doux de déplacement.
  • La décarbonation du transport avec le verdissement des flottes, le déploiement des bornes de recharge électrique, la nécessité de contribuer à la recherche et aux expérimentations concernant le recours à de nouvelles sources d’énergie, dont l’hydrogène, l’aménagement de pôles intermodaux (gares et parkings relais), avec une meilleure coordination des horaires de correspondance et un meilleur accès électronique aux divers services à l’usager.

Le dossier complet des 32 réponses est accessible sur le site de TDIE

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Dominique Auverlot (à gauche) et Caroline Daude (à droite) ont présenté l’étude de TDIE sur les propositions des candidats aux élections régionales.
Dominique Auverlot (à gauche) et Caroline Daude (à droite) ont présenté l’étude de TDIE sur les propositions des candidats aux élections régionales.

DÉBAT SUR CES PROPOSITIONS

La conférence s’est poursuivie par un débat animé par Gilles Dansart (Mobilettre), qui a réuni Bruno Gazeau, président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports), Constance Maréchal-Dereu, directrice générale de France logistique, Ingrid Mareschal, délégué générale de la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs) et Camille Thomé, directrice de Vélo & Territoires (photos 2 et 3).

La Fnaut estime que les thèmes n’ont pas toujours été bien appréhendés par les candidats. Des débats par région étaient attendus ; il n’y a pas eu beaucoup d’engagements. Pour B. Gazeau, « La campagne est restée un peu trop en surplomb », sans réponses précises à des questions concrètes, notamment celle de la présence de plus en plus restreinte d’agents dans les gares. La Fnaut s’est prononcée en faveur de l’ouverture à la concurrence, mais tout tient à la qualité des contrats entre les régions et les opérateurs, au suivi de la bonne exécution de ces contrats et des niveaux de service à respecter.

La FNTV partage ce sentiment de manque de réponses concernant la décarbonation. Les entreprises affichent un volontarisme important sur ce sujet, alors que « le politique reste sur des politiques trop générales. Le mouvement se fait de manière progressive, mais il n’est pas un enjeu électoral ». 

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De gauche à droite  'en haut) : Camille Thomé, Gilles Dansart et Constance Maréchal-Dereu.De gauche à droite :  Ingrid Mareschal, Louis Négre et Bruno Gazeau.
De gauche à droite (en haut) : Camille Thomé, Gilles Dansart et Constance Maréchal-Dereu. De gauche à droite : Ingrid Mareschal, Louis Négre et Bruno Gazeau.

À noter que l’offre industrielle de recours à de nouvelles sources énergétiques demeure insuffisante dans le secteur du transport de marchandises, où le diesel occupe 99,4 % contre 0,6 % pour le GNV ou l’électrique. Selon Ingrid Mareschal, « la transition énergétique est à pousser à marche forcée ».

Pour Vélo & Territoires, les candidats ont pris la mesure de la croissance de l’usage du vélo, qui est devenu un vrai sujet politique. La quasi-totalité des réponses insistent sur la nécessité d’une contribution active des régions au développement de l’usage du vélo comme mode de déplacement au quotidien suite à une forte mobilisation citoyenne qui en a été « le poil à gratter ».

Les régions ont une réelle partition à jouer pour développer des compétences allant au-delà des intentions et des promesses, en particulier pour mieux comprendre les composantes propres à cette nouvelle forme de mobilité. Il convient aussi d’assurer la mise en œuvre des obligations fixées par la loi d’orientation des mobilités (LOM) concernant la possibilité d’emporter son vélo non démonté dans les trains et les cars des services régionaux.

Enfin, il faut mettre en place une offre d’infrastructures attractives – développement de réseaux cyclables, aménagement de pôles intermodaux et de parkings relais – pour faire du vélo un outil de transport combiné et de rabattement pour les déplacements de tous les jours. 

France logistique constate que le fret et la logistique sont toujours « sous l’angle  mort de toutes les campagnes ». La majorité des programmes ne prévoit rien dans ces domaines et confirme l’absence de vision concernant l’utilité économique du transport de marchandises. Il en est de même du manque de prise en compte des sujets d’aménagement du territoire et des flux de logistique urbaine.

Quelques candidats évoquent toutefois l’intérêt d’organiser la planification territoriale de la logistique, de définir une approche régionale qui peut contribuer à harmoniser les déplacements en centre-ville et à favoriser l’optimisation de la gestion des stocks et des flux au bénéfice de l’économie et de l’écologie.

La complémentarité entre les différents modes de déplacement n’est pas remise en question. Il n’y a pas de réponses discriminantes entre les transports lourds. D’où le rôle essentiel des collectivités pour jouer avec les différentes solutions afin d’organiser les démarches de réflexion, d’optimiser les coûts, de mettre en place des politiques de long terme, de travailler ensemble et de tenir des discours de vérité. « Faire plus vert va coûter plus cher  », comme on le constate par exemple avec le véhicule hybride ou électrique comparé à un véhicule thermique.

CONCLUSION

Philippe Duron (photo 4), coprésident de TDIE, a conclu la conférence en rappelant les enseignements à retenir de l’enquête menée auprès des candidats aux élections régionales. Les transports en commun lourds et le vélo sont désormais au cœur des politiques régionales de transport. Pour la quasi-totalité des candidats, il y a nécessité pour les régions de contribuer activement au développement de ces modes, en particulier le vélo, qui s’impose comme un mode de déplacement du quotidien et qui constitue un nouveau levier de contribution des régions à l’offre de transport propre à ce quotidien.

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Philippe Duron, coprésident de TDIE.
Philippe Duron, coprésident de TDIE.

À l’inverse, les modes routiers et la logistique n’ont pas été l’objet d’une grande attention. Les transports scolaires et le transport par car ont été partiellement abordés, montrant ainsi que l’on est dans la phase d’assimilation par les régions de ces nouvelles compétences. 

La problématique du verdissement des flottes et du déploiement des énergies alternatives est insuffisamment traitée, d’où la nécessité d’accélérer sur ces deux sujets. Les orientations et les propositions formulées soulignent que ces sujets sont à aborder dans le cadre structuré de l’élaboration de politiques régionales.

Revue RGRA