Vous êtes ici

© ATEC ITS RDMI 2020/GAEL KAZAZ-7145

Congrès Atec ITS France 2020
Mobilité : projets et réalisations
Elsa AlfandariRédactrice/SR - RGRA, Jean-Louis PerrotMembre du comité de pilotage - RGRA

Partager l'article

Le rendez-vous annuel des acteurs français de la mobilité intelligente s’est tenu les 22 et 23 janvier 2020 aux portes de Paris, au beffroi de Montrouge. Lors de ce 47e congrès organisé par Atec ITS France, plus de 2 000 acteurs de la mobilité se sont réunis pour appréhender les enjeux scientifiques, techniques, juridiques, économiques, sociaux et environnementaux découlant des mobilités, un mois seulement après l’adoption de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Ce point d’étape a permis d’identifier les solutions innovantes, de les évaluer, d’en tirer une vision stratégique et de favoriser l’appropriation de nouvelles compétences en capacité de structurer une vraie filière de la mobilité intelligente.

Plus de 160 conférences et tables rondes ont développé le thème central du congrès : « Mobilité : projets et réalisations » autour de 12 thématiques : Mobilité as a service (Maas), Billettique, Services partagés, Logistique urbaine, Géolocalisations et usages, Contrôle du trafic, Covoiturage, Véhicules autonomes, Zones peu dense, Environnement, ITS & Sécurité, Télécom.

70 exposants publics ou privés ont généré autant de lieux de rencontre entre le monde de la recherche, des grandes entreprises, des PME et des start-ups, formatant ainsi les éléments structurants d’un nouveau marché économique pour la France.

Compte tenu de la densité et de la richesse des présentations, ce compte rendu se borne à souligner les innovations et les concepts les plus marquants abordés en conférences durant le congrès, qui identifient les futures tendances en matière de mobilité.

Services de mobilités partagées 

Fabien Leurent, directeur de recherche à l’École des ponts ParisTech, a présenté un travail de recherche consacré à la modélisation de services de mobilité partagée pour différents moyens de déplacement (taxis, navettes, véhicules en libre-service) selon une forme en anneau. Pour chacun des services, la forme d’anneau conjugue le principe de service en circuit (comme une ligne de transports en commun) et une couverture importante du territoire, en admettant que chaque usager accepterait de marcher une certaine distance en amont et en aval du trajet sur l’anneau. D’après les simulations déjà réalisées, avec cette modélisation, la synergie entre l’infrastructure en anneau et la flotte de véhicules permettrait d’optimiser la qualité de service en temps d’accès et en temps de roulage, de réduire les coûts de production et donc de proposer des tarifs abordables.

Pour améliorer la gestion de son parc de véhicules de service, APRR a expérimenté différents systèmes d’autopartage sur trois sites. L’entreprise concessionnaire d’autoroutes souhaite ainsi inciter ses salariés au covoiturage, encourager l’écoconduite afin de réduire la consommation énergétique des véhicules et les dommages qui leur sont causés, bénéficier d’une gestion automatisée et donc simplifiée des réservations et de suivi du parc. Les retours de cette expérimentation étant très positifs, APRR souhaite poursuivre ce projet en y apportant quelques améliorations.

La société PTV, qui développe des logiciels de simulation de trafic et d’optimisation des transports, et la société de conseil Cowi ont réalisé une étude, pour le compte de l’exploitant des transports en commun Ruter, sur l’impact potentiel du développement des véhicules autonomes sur la région d’Oslo (Norvège). Différents scénarios ont été simulés en période de pointe (6 h-10 h). Il en ressort notamment que le développement de véhicules autonomes non partagés générerait une congestion plus importante mais des temps de stationnement réduits, et que le partage des véhicules autonome contribuerait à une réduction de la congestion. Cette étude doit être complétée afin de définir un modèle économique pour ce type de service et identifier les préférences des usagers.

La DRIEA (direction régionale et interdépartementale de l’Équipement et de l’Aménagement) d’Île-de-France a présenté une étude quantitative et qualitative sur les services de mobilité en free floating en Île-de-France (scooters, vélos et trottinettes électriques) (figure 1).

Pour chaque engin de déplacement personnel (EDP), ont été évalués : les effectifs de la flotte, la distance moyenne parcourue au cours d’un déplacement, le coût, le profil des usagers et la stratégie des opérateurs. Cette étude fera l’objet d’un article dans un prochain numéro de la RGRA.

figure_1.jpg

Part modale des EDP en Île-de-France.
Part modale des EDP en Île-de-France.

MaaS – Déploiement en France et en Europe 

Les transports publics demeurent la composante de base du MaaS (Mobility as a service), mais, selon les pays, les modèles sont différents dans la prise en compte des services de mobilité. Les plates-formes qui donnent accès à toute une gamme de services ne s’appuient pas sur une définition partagée.

Le Cerema met en place un observatoire du MaaS pour suivre son développement en Europe et en France, sachant que chaque système évolue à partir de différentes approches, essentiellement fondé sur l’usage du smartphone. Dans les métropoles et les villes moyennes (Valence, Rouen Métropole, Cannes, Annecy...), le MaaS a pour objectif de proposer une alternative à la voiture en simplifiant l’accès à la mobilité, en favorisant l’intermodalité, en maîtrisant l’utilisation des espaces publics, notamment ceux dédiés aux nouvelles mobilités, et en promouvant des schémas de mobilité vertueux au regard de l’environnement, des encombrements et de l’argent public.

Ainsi, la logique du MaaS est d’être orientée sur la demande, afin d’offrir des solutions de mobilité à tous à un coût raisonnable. En intégrant la dimension sociale, c’est un outil performant pour dérouler une politique publique de mobilité.

Sommes-nous prêts pour l'accompagnement des véhicules vers leur autonomie ? 

Les équipements de la route sont souvent ignorés dans les débats concernant la route. Ils jouent pourtant un rôle majeur dans la conduite des véhicules (marquage au sol, feux tricolores, panneaux de signalisation...). Ce sont désormais des éléments qui contribuent à l’automatisation de la conduite.

On ne peut plus gérer séparément la route et le véhicule, d’où le besoin de connectivité, de standardisation, d’uniformité du message et d’organisation du déploiement de ces équipements. La recherche d’une vision commune entre les industries du véhicule et les équipementiers implique la mise en place de groupes de travail associant administrations et industriels pour inscrire les équipements de demain dans un cadre réglementaire – directives communes, procédures de certification, évaluation de leurs conformité par rapport aux normes et aux performances définies par les États.

Il y a cinq ans, les mondes de l’automobile et de la route ne se parlaient pas. Aujourd’hui, de nombreux projets de navettes autonomes voient le jour, couplant technique et notion de service, selon des cas d’usage qui évoluent avec les expérimentations. Cependant, ces navettes autonomes sont de petite capacité et leur vitesse reste trop faible. On constate avec ces expérimentations que la demande existe pour voyager de manière décarbonée. Reste à en bâtir le modèle économique.

photo_1.jpg

L’atelier « Sommes-nous prêts pour l’accompagnement des véhicules vers leur autonomie ? », animé par le Syndicat des équipements de la route (SER).
L’atelier « Sommes-nous prêts pour l’accompagnement des véhicules vers leur autonomie ? », animé par le Syndicat des équipements de la route (SER).
ATEC ITS RDMI 2020 © GAEL KAZAZ-7171

Contrôle du trafic, gestion des flux 

Pour optimiser la gestion de trafic, Neovia et le Cerema ont travaillé sur un projet de modélisation macroscopique dynamique du trafic, qui a été testé sur la RN 124 à Toulouse. En s’appuyant sur des données fournies notamment par la DIR et ASF (débit, vitesse...), différents scénarios d’aménagement ont été simulés. Le modèle permet également de procéder à des simulations en temps réel, pour évaluer par exemple l’impact d’un report de trafic en cas d’accident. Une autre approche de la modélisation dynamique des flux de circulation, prenant en compte l’élasticité de la demande, a été présentée par la DIRMed et le bureau d’études Explain.

Cette approche a été étudiée dans le contexte des autoroutes structurantes de l’agglomération marseillaise, sur le corridor Aubagne-Marseille, pour vérifier l’effet de l’élasticité sur les prévisions d’impact d’aménagements capacitaires des voies. Elle a notamment montré qu’il était indispensable de prendre en compte l’élasticité de la demande pour obtenir des résultats de modélisation réalistes.

Pour éviter la congestion du trafic au niveau des barrières de péage, la société Emovis a expérimenté la réversibilité sur un système de péage en free floating à San Juan (Porto Rico). Le principal axe d’accès à San Juan, constitué de 8 voies, est ainsi passé d’un péage traditionnel à un système qui allie le free floating et la possibilité de changer automatiquement le nombre de voies entrantes/sortantes.

Véhicules autonomes : retour d'expérimentations 

Le véhicule autonome de niveau 5 – le plus élevé – circulera au mieux en 2055. L’infrastructure autoroutière s’avère tout à fait adaptée pour l’accueillir. Toutefois, il reste de nombreux problèmes à régler, en particulier tout ce qui touche au bon fonctionnement des capteurs dans des conditions climatiques dégradées (neige, glace...). La qualité de l’état de surface des chaussées et des conditions de lisibilité de la signalisation est un point essentiel pour éviter les fausses détections.

Des partenariats s’instaurent entre les entreprises de construction routière et les constructeurs de véhicules autonomes pour développer des fonctions d’assistance dans des situations singulières comme la circulation dans des zones de travaux, le franchissement des barrières de péage ou pour mettre en sécurité, en cas d’urgence, un véhicule sur une aire de service ou un refuge. Dans toutes ces situations, la délégation complète de la conduite combine l’intelligence embarquée et l’apport de données concernant l’infrastructure.

Des navettes autonomes circulent déjà en route ouverte à Lyon ou à Nantes. Les expérimentations qui sont conduites ont le plus souvent pour but de tester des services sur des itinéraires en boucle ou parfois complexes, comportant des carrefours à feux, des giratoires ou des passages piétons, mais également d’évaluer l’acceptabilité  sociale du service offert. Ces expériences s’avèrent riches en matière de données et d’enseignements recueillis. Ils confirment aussi la nécessité d’améliorer certains points comme la vitesse de déplacement et la capacité des navettes, mais aussi de disposer d’une méthode d’évaluation partagée. D’autres expérimentations sont fléchées sur la gestion des flux, soit de personnes, soit de biens. Aéroport de Paris (ADP) teste des technologies concernant l’usage de tracteurs à bagages autonomes pouvant circuler sur les pistes (photo 2). Son ambition est de faire du groupe ADP un exemple en matière de mobilité autonome dans le domaine aéroportuaire.

tracteur.jpg

L'objectif des tracteurs à bagages autonomes est de rendre les flux logistiques des grands aéroports plus efficaces et plus sûrs.
L'objectif des tracteurs à bagages autonomes est de rendre les flux logistiques des grands aéroports plus efficaces et plus sûrs.
DR

Quant au programme Evra de l’Ademe, il investit sur cinq familles de services : les lignes de navettes en milieux urbain et rural, les robots de livraison, les valets de parking et la délégation de conduite sur le réseau magistral. L’objectif est de faire en sorte que l’émergence de ces besoins et l’identification des risques qui en découlent débouchent à moyen terme sur une régulation spécifique permettant de sortir du cadre dérogatoire actuel.

Intelligence et infrastructures routières 

La société Citilog développe des produits et solutions qui couvrent, par le biais de l’analyse d’images vidéo, 5 domaines d’application liés à la sécurité des infrastructures de transport : la détection automatique d’incidents, le recueil de données trafic, la régulation des intersections, la gestion vidéo et la reconnaissance de plaques. Pour ce qui concerne la détection automatique d’incidents, elle a dernièrement considérablement amélioré le taux de fausses alarmes (dues à des ombres portées, des projections...) grâce au développement de solutions d’intelligence artificielle qui s’appuient sur le deep learning, mises en œuvre notamment sur le viaduc de Millau avec de très bon résultats (photo 3).

photo_2.jpg

Les systèmes Citilog de détection automatique d’incident vidéo identifient les incidents et les accidents en quelques secondes sur les autoroutes, les ponts et les tunnels.
Les systèmes Citilog de détection automatique d’incident vidéo identifient les incidents et les accidents en quelques secondes sur les autoroutes, les ponts et les tunnels.
CITILOG

Les capteurs laser Lidar 3D, qui peuvent identifier des cibles en mouvement, améliorent la capacité des radars à détecter les différentes infractions causées par un même véhicule. Ainsi, le produit Nomad, nouveau radar équipé d’un Lidar 3D développé par Parifex, mesure la vitesse instantanée dans les deux sens de direction, détecte le franchissement de feu rouge, les dépassements dangereux ou le non-respect des distances de sécurité, identifie et classifie les véhicules (véhicule léger, poids lourd, bus...), etc. Pouvant être installé directement sur le mobilier urbain (mât, candélabre, bâtiment...), il s’intègre facilement à tout type d’environnement.

Pour optimiser l’entretien routier, en termes économiques et environnementaux, Eiffage et Altaroad ont testé une solution innovante qui utilise des nano-capteurs intégrés dans la chaussée. L’analyse des mesures des ondes de déformations collectées par ces capteurs doit permettre d’obtenir des informations (trafic poids lourds, pneus sous-gonflés...) sur l’usage de l’infrastructure instrumentée. Les retours du démonstrateur de la solution mis en œuvre en 2017 pour vérifier la résistance des capteurs sont très positifs. Le Centre de recherches routières a développé un outil de mesure de la qualité d’usage des revêtements piétons. Installé sur une chaise roulante, il mesure la planéité et l’adhérence des revêtements en pierre naturelle, béton, asphalte... Après la phase de développement, il a contribué à la rédaction d’une charte sur les revêtements piétons en région Bruxelle-Capitale. Son évolution prévoit l’intégration d’une caméra pour mesurer la largeur des trottoirs, localiser les obstacles, prendre des photos, etc.

Le conseil départemental du Haut-Rhin (68), souhaite bénéficier d’outils de mesure pour détecter, compter, peser et évaluer l’impact sur les infrastructures routières du passage régulier de convois exceptionnels, notamment de Belfort à Colmar et Strasbourg, via la RD 83. Pour ce projet, initié en 2019, le CD 68 est accompagné par le Cerema pendant 3 ans. Les équipements (routes et ouvrages d’art) devraient être instrumentés en 2020.

Développé par Mobility by Colas, le service Anais est un outil innovant pour une gestion préventive du patrimoine routier. Grâce a l’analyse de données récoltées par le biais de capteurs embarqués sur une flotte de véhicules, il détecte les zones d’alerte d’un réseau routier : déports latéraux (corrélés à une certaine vitesse), freinages excessifs, survitesses... L’analyse de ces zones d’alerte permet ensuite de préconiser les interventions nécessaires pour améliorer la sécurité routière.

Solutions de mobilité en zones peu denses 

La crise des gilets jaunes a fait émerger la problématique de la mobilité en zones peu denses. Dans les Hauts-de-France, différents projets se sont depuis intéressés à ce sujet :

  • L’université Gustave Eiffel a travaillé, avec les habitants de Loos-en-Gohelle, à la co-construction de solutions alternatives à l’automobile. Parmi les projets envisagés, 60 % ont été réalisés. Ils concernent pour la plupart l’usage du vélo ou la marche à pied.
  • Dans la communauté de communes Pévèle-Carembault, qui regroupe 38 communes, un dispositif de covoiturage baptisé PEV’MEL a été mis en œuvre sur une ligne dont le parcours et les stations ont été déterminés en fonction des usages. Labellisé « France Mobilités », le projet est en partie financé par l’Ademe. Pour inciter les habitants de la communauté de communes à utiliser le service, 87 places réservées ont été créées sur 18 parkings avec une signalétique spécifique et un volet animation/communication a accompagné le lancement du projet. En décembre 2019, PEV’MEL comptait 132 inscriptions.
  • Entre février 2018 et février 2019, Transdev a proposé aux habitants de de la communauté de communes Sud Avesnois d’expérimenter différentes solutions alternatives au véhicule individuel (transport à la demande, vélos à assistance électrique (VAE), covoiturage rural...). Malgré ses limites (méconnaissance des solutions par les habitants, territoire aménagé pour la voiture et non pour les vélos...), l’expérimentation a eu des bénéfices directs : un meilleur accès aux soins, la levée des freins à la mobilité et un effet levier sur l’emploi et la formation. Elle a également fait prendre conscience aux entreprises et aux acteurs de transport du territoire d’un déficit de l’offre de mobilité. 
  • La Région Hauts-de-France travaille au montage d’un projet de MaaS inclusif dont l’objectif est faire du support billetique Pass Pass le portail de toutes les mobilités au niveau régional.

Le projet Demoiselle vise à développer une offre de transport en commun utilisant des navettes autonomes entre la gare d’Aix-en-Provence TGV et la zone d’activité d’Aix La Duranne. Le lancement du service, destiné en priorité aux professionnels de la zone d’activité, est prévu en 2020.

Apports du vélo à l'optimisation de l'espace et des mobilités 

À partir de l’exemple de la ville de Montréal, Philippe Delmas a montré l’intérêt du système de comptage de vélos d’Eco-Compteur pour optimiser l’espace de circulation. Ainsi, les chiffres recueillis ont contribué à la création du « Réseau express vélo » de la ville, qui a par ailleurs redynamisé certains quartiers peu fréquentés. Les données de fréquentation très précises (usage récréatif ou utilitaire, jour le plus fréquenté, etc.) permettent de mettre en place des politiques pour développer les circulations douces en ville. À noter que le système ne peut pas encore distinguer les vélos des différents engins de déplacement personnel (trottinettes électriques, gyropodes, monoroues...).

Grâce aux données récupérées, le guidon connecté (wink bar) de Velco peut suivre les différents itinéraires utilisés par les cyclistes. Pierre Régnier, co-fondateur de Velco, a rappelé que le premier frein à l’achat d’un vélo était la sécurité, puis le vol et enfin la fiabilité. Avec le guidon connecté, l’usager peut retrouver son vélo en cas de vol grâce au dispositif de géolocalisation. Il dispose également d’un GPS ainsi que de phares intelligents. Le traitement de certaines données techniques recueillies concernant les axes utilisés, le kilométrage, les endroits où il y a le plus de vols, l’entretien du vélo, les points accidentogènes... sont exploitées à des fins de statistiques anonymes.

Le plan « Vélo et mobilités actives » du ministère de la Transition écologique et solidaire a pour objectif de tripler la part modale du vélo d’ici 2024, en passant de 3 à 9 %. L’appel à projets « Fonds mobilités actives » a été lancé fin 2018. Dès lors, la question de l’évaluation de l’impact de ces projets s’est posée. C’est dans ce cadre que Citec a animé un atelier sur les bienfaits de la modélisation au service des politiques publiques cyclables. Comment évaluer l’impact de ces politiques ? Comment justifier de la pertinence des investissements ? Comment comparer les projets entre eux ? Quel sera leur impact sur le report modal ? Le manque d’observations empêche aujourd’hui de connaître l’impact des aménagements qui ont été faits. Il est également difficile de distinguer un usage ponctuel d’un usage complémentaire (dernier kilomètre) et d’intégrer ces spécificités dans l’évaluation des projets.

Concernant les vélos en libre-service, Toulouse Métropole a annoncé un bilan mitigé. Sur le réseau de 600 km de voies cyclables (sur 37 communes), différents services sont proposés par plusieurs sociétés de location : calculateur d’itinéraire, carte, guide, halte pour le cyclotourisme... La Ville elle-même propose des vélos accessibles sur des bornes et un service de free floating (photo 4). Quelques constats : du fait du manque de moyens de stationnement, le trajet domicile-travail bascule vers le vélo partagé ; de nombreux vols et dégradations ont été commis. Pour lutter contre le vandalisme, une solution de semi free floating a été mise en place : les opérateurs obligent les usagers à attacher leur vélo à un support avec un antivol. La Ville se prépare au lancement des trottinettes en 2020 avec un cahier des charges très strict.

photo_3.jpg

Les bornes de vélos en libreservice de Toulouse Métropole.
Les bornes de vélos en libreservice de Toulouse Métropole.
DR

Rercherche d'un optimum économique pour la mobilité 

Il s’agit là de s’assurer de la cohérence entre ce que l’on propose et le schéma d’exploitation et donc de définir quelle performance on recherche. Les logiciels dédiés à la prévision et au suivi des coûts de possession d’un réseau de transport public ont recours à l’intelligence artificielle pour analyser et traiter une grande volumétrie de données. On dispose ainsi d’un modèle de projection dans le temps qui peut générer, par exemple, des occurrences de panne, des plans de maintenance de flottes de véhicules ou des plans de recharge de véhicules électriques par séquencement optimisé de la charge. L’électromobilité est un domaine nouveau et évolutif. L’un de ses enjeux est de réussir à soutenir, dans les 20 prochaines années, la transition énergétique concernant le bus électrique, dont le coût d’exploitation et de maintenance est d’environ deux à trois fois sa valeur d’achat.

Des appels à l’initiative privée sont actuellement lancés pour le déploiement et l’exploitation de dispositifs de charge de véhicules électriques et hybrides dans les pôles d’échanges multimodaux. La progression du marché du véhicule électrique va à l’inverse engendrer une baisse de la TICPE. Dès lors, se pose le problème de la recherche de nouvelles sources fiables de financement, présentant des coûts de collecte des taxes les moins élevées possibles pour ne pas retomber dans les travers de la taxe poids lourds.

Dans ces domaines comme dans bien d’autres, le rôle des territoires et en particulier des régions et des intercommunalités sera tout à fait déterminant.

Covoiturage : contrôle et outils innovants 

Des méthodes fondées sur la modélisation des déplacements existent pour évaluer a priori le potentiel du covoiturage. Il s’agit de confronter l’offre et la demande pour déterminer le nombre d’usagers intéressés par le service, soit pour un parking relais donné, soit pour l’ensemble des parkings relais. On peut même en déduire le temps d’attente du passager dans un parc donné. Par ailleurs, des pistes sont en cours d’expérimentation pour le contrôle automatisé des voies de covoiturage fondées sur une occupation du véhicule égal ou supérieur à deux personnes. Toutefois, le pourcentage d’erreurs entraînant une verbalisation à tort reste encore trop élevé. À Lyon, dans le cadre de la requalification d’A6/A7, sur l’A 48 à Grenoble, ou sur l’A 6 au niveau de Macon, la mise en place temporaire de voies réservées au covoiturage a eu pour effet d’accroître le niveau de confiance dans la technologie et dans la recherche d’un taux d’erreurs ou de faux positifs le plus faible possible.

Ceci étant, il semble que l’investissement sur le covoiturage ne va pas assez loin, sachant que c’est avec des offres phares que l’on peut connaître des évolutions significatives. Le projet LANE sur le Grand Lyon et portes de l’Isère (photo 5), fondé sur des fréquences de passage élevées, des aménagements pratiques, une signalétique forte, le recours à des panneaux à messages variables et une information de qualité, tend à créer un effet covoiturage à haut niveau de service. La montée en charge du service est régulière, avec pour résultat que 75 % des passagers sont d’anciens automobilistes.

photo_4.jpg

Une station de covoiturage du projet LANE, à l’entrée de l’A43, près de Mermoz.
Une station de covoiturage du projet LANE, à l’entrée de l’A43, près de Mermoz.
LARBI DJAZOULI

Europe et international 

En réservant la bande d’arrêt d’urgence au covoiturage sur quelques kilomètres entre Bruxelles et le Luxembourg (photo 6), Macq Mobility a constaté un gain de temps de 20 minutes du côté belge (la voie côté Luxembourg n’étant pas encore équipée). Une caméra intelligente vérifie qu’il y a au moins trois personnes dans le véhicule et que sa vitesse ne dépasse pas 50 km/h. Un capteur polarisé permet une identification faciale des passagers et une lecture de la plaque d’immatriculation. Les images sont conservées 7 jours, puis supprimées.

covoiturage.jpg

En Belgique, sur certains tronçons d’autoroutes, la bande d’arrêt d’urgence est réservée au covoiturage et aux taxis.
En Belgique, sur certains tronçons d’autoroutes, la bande d’arrêt d’urgence est réservée au covoiturage et aux taxis.
DR

Différentes innovations relatives aux transports ont été mises en œuvre à Abidjan en Côte d’Ivoire (voir encadré) : un projet comprenant le déploiement d’un système de contrôle du trafic routier, l’information des usagers en temps réel sur le trafic urbain et la gestion de stationnement ; le rechargement des cartes de transport des 700 000 usagers des 1 200 bus de la société Sotra à partir de leur smartphone ; le développement du covoiturage par la société Digitrans ; la mise en place à Abidjan d’un système de transport multimodal fondé sur le transport routier, ferroviaire et lagunaire par bateaux-bus.

Sur l’autoroute du Brenner (au Nord de l’Italie), très fréquentée, un projet vise à mettre en place un système de communications instantanées entre le véhicule et l’infrastructure afin d’expérimenter la conduite connectée automatisée. La digitalisation des infrastructures et l’installation de capteurs sur les véhicules obligent les sociétés autoroutières à coopérer avec les opérateurs téléphoniques, les constructeurs automobiles, les différents ministères, les développeurs d’applications...

Business France propose différentes solutions d’accompagnement aux entreprises françaises qui désirent s’implanter à l’international : financement, distribution, veille du marché local, définition du cadre juridique...

 

Métro, Bus Rapid Transit, applications mobiles... : 
les innovations qui vont changer la mobilité à Abidjan

Barthélemy Kouamé, directeur général de Acturoutes

La Côte d’Ivoire souhaite développer les systèmes de transports intelligents (STI). C’est ce qu’elle a démontré lors du congrès Atec ITS France : administrations et entreprises du secteur privé ont fait le déplacement pour y présenter la mise en œuvre de la future mobilité de la capitale économique ivoirienne. Profitant de la session internationale, les représentants venus de Côte d’Ivoire ont exposé des projets clés qui transformeront Abidjan dans les prochaines années.

photo_encadre.jpg

Le stand de ITS Côte d’Ivoire.
Le stand de ITS Côte d’Ivoire.
ATEC ITS RDMI 2020/GAEL KAZAZ

La métropole ivoirienne compte au moins 5 millions d’habitants et s’y déplacer est souvent très compliqué. Son plus important projet structurant concerne la construction du métro. Des travaux estimés à plus de 1,3 milliard d’euros qui font appel à l’expertise française : Bouygues Travaux publics, Colas Rail et Alstom pour la construction, ou encore Kéolis pour l’exploitation et la maintenance participent à cet ambitieux chantier, aux côtés de structures locales comme le Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD) dont le directeur général, Kinapara Coulibaly, était présent au congrès Atec ITS France.

La ligne 1, qui va traverser la ville du nord au sud jusqu’à l’aéroport représente « le projet de transport de masse le plus ambitieux d’Afrique subsaharienne », selon Romain Kouakou, représentant le ministre des Transports (DG des Transports terrestres et de la circulation au moment du congrès et désormais DG de la nouvelle Autorité de la mobilité urbaine du grand Abidjan, Amuga). Sa capacité dépassera les 500 000 passagers par jour. « Le métro et le BRT (Bus Rapid Transit) vont contribuer à résoudre le problème des déplacements à Abidjan », le BRT étant un système de transport en commun par autobus sur voies réservées.

Le métro et le BRT sont aussi appelés à renforcer la capacité du réseau existant, composé des autobus du transporteur public, la Sotra (Société des transports d’Abidjan), née il y a au moins cinq décennies et dont le renouvellement du parc de véhicules avait été réduit presque à néant durant la longue crise politico-militaire qu’a connue le pays. « Aujourd’hui, plus de 1 500 autobus, plus ponctuels, circulent dans les rues et leur nombre devrait atteindre 2 500 d’ici à fin 2020 », a précisé Méité Bouaké, directeur général de la Sotra.

Abidjan, c’est aussi une surface d’eau lagunaire navigable et, depuis quelques années, l’État ivoirien a concédé à deux entreprises privées l’autorisation d’opérer le transport par bateau-bus. Désiré Messoum dirige l’une de ces deux concessions, la Société des transports lagunaires (STL), dont la flotte compte plusieurs dizaines de bateaux. Il a souligné que les deux entreprises s’attèlent à élaborer une stratégie commune avec le trans-porteur public et d’autres acteurs privés afin de réaliser un transport multimodal.

Mutualiser les efforts et les actions semble être un souhait partagé par les différents acteurs des transports ivoiriens. Les STI se présentent comme un « allié » a déclaré le président de l’association ITS Côte d’Ivoire, Ibrahima Koné, DG de la société Quipux Afrique, spécialisée dans la billettique. ITS Côte d’Ivoire, comme son homologue français, a dans son sillage plusieurs start-ups qui développent des applications mobiles. Certaines sont dédiées à la valorisation et à la maîtrise du covoiturage, pratiqué depuis très longtemps en Afrique ; d’autres proposent des systèmes de réservation de taxis (VTC et taxis classiques). Mais toutes ont opté pour la dématérialisation des paiements.

France Mobilités : concrétiser l'innovation dans les territoires 

Claire Baritaud, cheffe de la mission Innovation, numérique et territoires au MTES, a rappelé les objectifs de la loi d’orientation des mobilités (LOM) au regard des ITS (développer le service numérique et les nouvelles mobilités, adapter la circulation des véhicules autonomes, le MaaS...) et annoncé les décrets d’application à venir.

Bruno Levilly (Cerema) a présenté la plate-forme France Mobilités, dont l’objectif est de proposer des solutions innovantes pour les territoires (plus de 800 cas d’usages référencés sur toutes les thématiques) et de mettre en relation les territoires, les associations, les centres de recherche..., afin de favoriser la mise en œuvre des projets de mobilité.

Puis Jean Coldefy, directeur du projet Mobilité 3.0, a rappelé l’urgence de passer à une mobilité décarbonée et de mettre en place les solutions viables qui doivent être « efficaces, efficientes, économiques et écologiques ».

Une table ronde a permis à Sandrine Louvel (pôle d’équilibre territorial et rural du Cœur des Hauts de France) de témoigner sur les besoins d’accompagnement des territoires. Isabelle Mesnard (Cerema) a quant à elle présenté les cellules d’appui régionales destinées à accompagner l’innovation dans les territoires peu denses. Enfin, Pascal Lemonnier (vice-président d’Atec ITS France) a clôturé cette session, rappelant que l’innovation impliquait de combiner les différentes expertises : les entreprises de travaux publics, les transports, le secteur informatique, les constructeurs automobiles...

Conclusion 

Pour clore les Rencontres de la mobilité intelligente, une table ronde sur le thème « Développer un réseau de compétences pour la mobilité » a réuni François Malbrunot, président du 47e congrès Atec ITS France, Pascal Lemonnier (Egis), Hervé Brulé (DGITM), Stéphane Chanut (Cerema) et Hélène Jacquot-Guimbal (université Gustave Eiffel).

La LOM ne serait pas ce qu’elle est sans les développements technologiques qui ont été exposés durant le congrès. Il faut que les territoires croient dans la capacité de tous les acteurs de la mobilité à développer des solutions partout et pour tous et à assurer la transition énergétique. Il importe de mettre en valeur toutes les bonnes initiatives et que l’État les accompagne, ainsi que les régions désignées chefs de file, pour concrétiser les projets. Une interaction forte entre les élus et le monde associatif est indispensable pour guider les acteurs du terrain.

On est face à un réel défi en matière de compétences liées à l’évolution des métiers avec la digitalisation ou la recherche de solutions décarbonées face au changement climatique. La mobilité fait appel à un grand nombre de métiers qui demandent de plus en plus de compétences dans les domaines de l’informatique, des technologies, de l’information, de l’aménagement des espaces ou de l’intelligence artificielle. Dans ce contexte, la toute jeune université Gustave Eiffel et le Cerema doivent jouer un rôle majeur de formation, de diffusion, d’animation et d’accompagnement des territoires pour soutenir la dynamique qui s’est créée suite aux Assises de la mobilité. 

Revue RGRA