Vous êtes ici

Essai de fatigue 2PB.
EUROVIA

Les EME pour climat froid
Zoom sur un projet de recherche franco-canadien
Bertrand PouteauDirecteur de recherche - Eurovia - Centre de recherche, Kamal BerradaChargé d’affaire Section Instrumentation et Intelligence Artificielle  - Vinci Construction Services partagés - Centre de recherche, Sabine LebecIngénieur Direction technique - Eurovia, Marc ProteauDirecteur technique  - CTA Eurovia Canada, Daniel PerratonProfesseur  - École de technologie supérieure (ETS), Alan CarterProfesseur  - École de technologie supérieure (ETS) – Université du Québec, Sébastien LamotheChargé de recherche  - École de technologie supérieure (ETS)

Partager l'article

Un projet de recherche collaboratif visant à identifier les voies d’adaptations techniques nécessaires à l’adoption des enrobés à module élevé en climat froid a été élaboré entre l’École de technologie supérieure (ETS) de Montréal (Québec), le Centre technique Amérique d’Eurovia (Montréal) et le Centre de recherche d’Eurovia à Bordeaux (France). Cet article en présente les objectifs et quelques résultats.

La France est le berceau historique des enrobés à module élevés (EME)1, produits aujourd’hui couramment employés dans l’Hexagone, notamment pour l’optimisation du dimensionnement des infrastructures routières en raison de leur performances accrues. Ils disposent d’un retour d’expérience très positif qui leur vaut d’être bien intégrés au référentiel de dimensionnement français2.

Cette gamme de produits à haute performance fait l’objet depuis le début des années 2000 d’un intérêt grandissant de la part de la communauté technique et scientifique canadienne3-6. Toutefois, l’adoption d’EME ne sera possible qu’à la faveur d’une adaptation des produits et des référentiels techniques, tout en intégrant une particularité : un climat hivernal particulièrement rigoureux7.

Un projet de recherche collaboratif visant à identifier les voies d’adaptations techniques nécessaires à l’adoption des EME en climat froid a été élaboré, en 2015 et 2016, entre l’École de technologie supérieure (ETS) de Montréal (Québec), le Centre technique Amérique d’Eurovia (Montréal) et le Centre de recherche d’Eurovia à Bordeaux (France). Il a obtenu l’appui financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et se terminera en 2021.

Cet article présente les grandes ambitions de ce projet et fournit quelques-uns des résultats qui ont déjà fait l’objet de publications7-9.

ÉTAT DE L’ART ET PROBLÉMATIQUE SCIENTIFIQUE

Dès l’élaboration du projet de recherche, le fait qu’au Canada la conception des chaussées soit fondée sur une approche empirique a été identifié comme un frein à la prise en compte des performances des EME. Il a donc été admis qu’une approche dite « mécanique-empirique (M-E) », comme le sont la méthode française ou la plus récente méthode américaine (MEPDG)10-11, sera nécessaire pour prendre en compte les performances des EME.

De nombreux mécanismes liés à la circulation et aux conditions environnementales peuvent participer à la dégradation de la chaussée. Parmi ceux-ci, les fissurations de type « bottom-up », résultant de la dégradation par fatigue des couches structurantes, sont considérées comme un phénomène majeur à prendre en compte dans l’approche M-E, aux températures moyennes dans la structure de la chaussée12-13. Cependant, le climat rigoureux du Canada, surtout l’hiver, pose la question du choix de la température moyenne et amène une autre exigence : une bonne résistance à la fissuration à basse température.

Le présent projet se focalise sur la fissuration de fatigue ascendante, qui s’initie dans les couches inférieures de la chaussée et se propage vers le haut jusqu’à déboucher à la surface, et sur la fissuration liée au retrait thermique des matériaux. Bien que la communauté scientifique soit consciente des effets du vieillissement des matériaux bitumineux sur leur performance, ce phénomène n’est que peu ou pas considéré au niveau des démarches de dimensionnement M-E. La mesure de la performance des matériaux sera réalisée au jeune âge.

La mise en œuvre d’une démarche de dimensionnement M-E implique :

  • le choix d’un référentiel technique permettant de déterminer un niveau de performance à atteindre pour satisfaire aux exigences de trafic et de climat ;
  • des méthodes d’essais permettant de mesurer la performance sur des matériaux confectionnés le plus souvent en laboratoire.

Comparaison des approches M-E française et américaine 

Deux approches M-E sont considérées comme référence dans cette étude : l’approche française (F. M-E) et l’approche américaine (A. M-E). Mêmes si toutes deux reposent sur certains concepts communs, elles présentent des différences :

  • La confrontation de méthodes M-E française et américaine pose des difficultés pratiques : il faut s’acculturer à 2 méthodes et se former sur plusieurs logiciels de dimensionnement (Pavement ME, Alizé, etc.). Cette confrontation soulève également un problème de fond : des durées de service variant de plusieurs années obtenues pour des données d’entrées considérées identiques.
  • Les lois comportementales traduisant la fatigue sont les mêmes mais leur intégration dans les méthodes sont différentes. En particulier, la part empirique des méthodes de dimensionnement M-E est fondée sur une confrontation avec le terrain, ce qui se traduit par la définition de coefficients, dits de calage, dont le rôle est de faire correspondre durée de vie projetée et durée de vie constatée. Chaque produit nécessite de déterminer ces coefficients de calage, qui peuvent différer d’un environnement (trafic, climat, contrôle qualité) à un autre.
  • Les tests utilisés pour caractériser les propriétés des matériaux peuvent également poser des difficultés : la détermination de la rigidité des matériaux de la structure de la chaussée par la mesure de son module complexe sous sollicitations sinusoïdales cycliques est assez uniforme et standardisée et ne pose pas de difficulté ; la détermination de la résistance en fatigue fait appel à des essais qui produisent des résultats significativement différents, qui conduisent à des durées de vie en fatigue pouvant varier de plusieurs années pour un même matériau14.

Résistance à basse température 

La prise en compte du climat peut être appréhendée par la détermination, d’une part, d’une température équivalente5 et, d’autre part, de la résistance à l’essai de retrait thermique empêché. Cet essai est mis en œuvre dans les différents laboratoires de l’équipe projet en utilisant un même protocole, ce qui ne soulève pas de difficulté particulière.

Détermination de la résistance en fatigue en laboratoire 

Les modèles ascendants de fissuration par fatigue, que l’on trouve dans les différentes méthodes de conception des chaussées M-E disponibles, sont tous fondés sur la courbe de fatigue de Wöhler13, 15-16. La courbe de Wöhler est la relation entre le nombre de cycles de rupture et l’amplitude de la contrainte appliquée12-13, 17. Ainsi, avant d’étudier la courbe de Wöhler elle-même, il est important de bien identifier ce qu’est précisément une rupture par fatigue. En laboratoire, les essais de fatigue peuvent être réalisés sous contrainte ou en contrôle de déformation. Dans les deux cas, la rigidité de l’échantillon diminue avec le nombre de cycles de charge jusqu’à la rupture (figure 1).

figure_1.jpg

Évolution de la rigidité (Norme du module complexe) en fonction du nombre de cycles (3).
Évolution de la rigidité (Norme du module complexe) en fonction du nombre de cycles (3).

Comme on peut le voir, la courbe de fatigue peut être divisée en 3 phases3,14 :

  • phase I : réduction du module due aux effets thixotropes et augmentation de température associée à la charge continue ; 
  • phase II : observation de la fatigue réelle et diminution linéaire du module avec le nombre de cycles ;
  • phase III : les microfissures formées pendant la phase II se rejoignent pour faire les macrofissures.

Il existe différents critères de rupture par fatigue, mais la rupture est généralement définie comme le nombre de cycles nécessaires pour atteindre une valeur de module égale à la moitié du module initial (critères classiques, Nf50%). Toutefois, ce critère ne convient pas à tous les mélanges bitumineux. Comme le montrent Perraton et al.18, le critère classique ne définit pas correctement la défaillance des enrobés bitumineux à forte teneur en polymères. Selon Tapsoba et al.19, il y a 4 critères différents de rupture par fatigue répartis en 4 catégories :

  • les critères classiques fondés sur la diminution du module ;
  • les critères d’évolution/changement d’angle de phase ; les critères d’homogénéité des échantillons ;
  • les critères de dissipation d’énergie.

Une fois qu’un critère est sélectionné, des essais de fatigue sont effectués à différents niveaux de déformation ou de contrainte, et la relation entre l’amplitude appliquée et le nombre de cycles jusqu’à la rupture peut être tracée, c’est-à-dire la courbe de Wöhler.

Il est important de noter que les essais de fatigue sont habituellement effectués à une seule température et à une seule fréquence. Cependant, de nombreuses normes d’essais de fatigue sont utilisées pour les mélanges bitumineux et les résultats peuvent être très différents selon l’essai utilisé.

Sur la figure 2, l’amplitude de déformation nécessaire pour atteindre la rupture après 1 000 000 de cycles, désignée par e6, pour 4 géométries d’essai différentes est représentée14. On peut voir que la dispersion des résultats entre les différents tests est assez conséquente.

figure_2.jpg

Amplitude de déformation nécessaire pour atteindre la rupture par fatigue après 1 000 000 de cycles pour différents essais de fatigue : T/C – traction-compression uniaxiale ; 2PB – flexion 2 points ; 4PB – flexion 4 points ; IIT – traction indirecte(14).
Amplitude de déformation nécessaire pour atteindre la rupture par fatigue après 1 000 000 de cycles pour différents essais de fatigue : T/C – traction-compression uniaxiale ; 2PB – flexion 2 points ; 4PB – flexion 4 points ; IIT – traction indirecte(14).

Les 4 géométries d’essai de fatigue utilisées sont les suivantes :

  • La flexion 2 points (2PB) est l’essai de fatigue standard en France20.
  • L’essai de traction indirecte (ITT) est dans la même norme européenne, mais pas aussi couramment utilisé. 
  • La flexion 4 points (4PB) est le test retenu par PavementME21 pour caractériser la fatigue.
  • Le test de traction-compression (T/C) est choisi dans plusieurs projets de recherche au Canada, en Europe et aux États-Unis.

LE PROJET DE RECHERCHE EN COURS

Le projet de recherche coopérative, lancé le 1er avril 2017 pour une période de quatre ans, poursuit deux objectifs, présentés en deux phases distinctes sur la figure 3 :

  • phase I : caractérisation complète des propriétés thermomécaniques des EME en mettant l’accent sur leur comportement à la fatigue ;
  • phase II : validation en conditions réelles de l’emploi d’EME en structure de chaussée dans le contexte climatique et technique nord-américain avec différentes sections de test.

Les travaux expérimentaux ont été menés conjointement par le Laboratoire sur les chaussées et matériaux bitumineux (LCMB) de l’ETS, le Centre technique des Amériques (CTA) d’Eurovia-Canada et le Centre de recherche Eurovia.

figure_3.jpg

Extrait de l’organigramme des principales phases du projet.
Extrait de l’organigramme des principales phases du projet.

Partie I-1

Dans cette partie, les travaux visent à corréler les résultats des essais de fatigue entre eux afin de permettre l’utilisation de valeurs unifiées des coefficients de la loi de Wöhler dans les logiciels de conception des chaussées.

Pour atteindre cet objectif, les essais de fatigue selon les 3 méthodes seront réalisés sur un mélange EME de référence : essai de flexion en 4 points sur poutres (4PB), essai de flexion en 2 points sur prismes trapézoïdaux (2PB), essai de traction-compression sur éprouvette cylindrique (T/C). Les résultats obtenus seront comparés et utilisés pour corréler les coefficients de la loi de Wöhler entre les 3 méthodes d’essai. Le tableau 1 résume les différents tests.

tableau_1.jpg

Modalités des essais de fatigue étudiés.
Modalités des essais de fatigue étudiés.

La température habituelle des essais de fatigue est de 10 °C en France et de 20 °C aux États-Unis. Des essais de fatigue à 4 températures seront réalisés dans ce projet : 20, 10, 0 et -10 °C. En modifiant la température d’essai, les coefficients de la loi de Wöhler changent. Comme le mélange bitumineux est un matériau thermosensible, les changements de température affecteront également la rigidité du matériau (|E*|). L’impact de la température est regardé dans la partie I-3 du projet pour optimiser la charge de travail expérimental.

Partie I-2

Sur la base de toutes les données recueillies lors des essais de fatigue effectués en partie I-1 et pour lesquels la valeur Nf est établie suivant le critère conventionnel de perte de 50 % de la rigidité, la valeur NfII/III est identifiée par l'observation d'un changement de pente à la fin de la phase II en ne prenant en compte que les données pertinentes. Les courbes de Wöhler sont alors comparées avec les valeurs de NfII/III pour les 3 essais de fatigue.

Partie I-3

Comme cela a été vu, les normes imposent de réaliser les essais de fatigue à différentes températures d’essais (10 °C et 20 °C). Bien qu’il existe dans la littérature des données expérimentales sur la dépendance des résultats des essais de fatigue à la température, ceux-ci ne traitent pas le cas des bitumes modifiés et observe le critère de rupture conventionnel de perte de 50 % de la rigidité. Par conséquent, l’objectif de cette partie est d’évaluer l’impact de la température sur le comportement en fatigue.

En première approximation, il faut supposer que la courbe de Wöhler est simplement traduite translatée sans modifier la pente de la droite. Selon cette hypothèse, l’effet de la température pourrait être associé à la pente (a3) de la relation (1) ci-après22.

Où f1 représente la fréquence d’essai, θ1 et θ2 les températures d’essai, Nle nombre de cycles à la rupture et E le module de rigidité du matériau à la température considérée.

Partie I-4

L’objectif de cette partie est de réaliser une analyse de sensibilité des propriétés des mélanges d’EME en prenant en compte la fluctuation admissible de la production sur la teneur en bitume (b%) et la teneur en charge minérale (f% : < 80 μmm). Le tableau 2 illustre les valeurs limites prises en compte pour cette analyse.

tableau_2.jpg

Valeurs limites pour les deux facteurs analysés dans le programme d’essai.
Valeurs limites pour les deux facteurs analysés dans le programme d’essai.

Partie II-1

Une comparaison de l’impact d’EME comme couche structurante est réalisée au moyen d’une série de simulations numériques. Des calculs sont effectués avec les logiciels Alizé et PavementME pour différents profils de température. La correspondance entre les différentes données d’entrée de chaque logiciel sera proposée pour guider l’utilisateur à passer de l’un à l’autre.

Les données d’entrée prises en compte pour l’EME sont issues :

  • des normes françaises pour ce type de matériaux : un module élevé (14 000 MPa à θeq et 10 Hz) et une haute résistance à la fatigue (Ɛ6 à 10 °C de 130.10-6 m/m) ;
  • des études réalisées en laboratoire dans le cadre du projet, à différentes températures de référence.

θeq désigne la température équivalente, représentative du climat à prendre en compte pour le dimensionnement5.

Partie II-2

Un étalonnage est obligatoire pour faire correspondre le niveau de dégradation observé sur chantier et celui calculé. Cette étape, qui représente la partie empirique de la méthode, a pour objectif principal de de contribuer à la définition d’un facteur d’étalonnage pour ce qui concerne le comportement en fatigue de la structure de chaussée bitumineuse.

Une section d’essai entièrement instrumentée fera l’objet d’une étude dans le cadre de cette phase du projet de recherche.

PRINCIPAUX RÉSULTATS INTERMÉDIAIRES

Partie I-1

Le matériau testé présente une granulométrie maximale de 14 mm. Les mélanges ont été préparés et compactés au laboratoire du CTA. Les échantillons ont ensuite été usinés aux dimensions requises pour les essais. Les résultats présentés ici traitent de la relation entre T/C et 2PB22. Ceux concernant les essais 4PB feront l’objet de publications ultérieures.

La durée de vie en fatigue déterminée par des critères classiques (50 %. |E*0|) est présentée en figure 4.

Du point de vue de la conception de la chaussée, la loi de la fatigue des 3 méthodes est très différente. En considérant les valeurs Ɛ6, on peut dire que l’essai de fatigue T/C (Ɛ6 = 170 μm/m) est plus sévère que les essais 2PB (Ɛ6 = 191 μm/m).

figure_4.jpg

Résultats de fatigue de différents tests standard et représentation classique des courbes de Wöhler dans le domaine log 0-log N _(f_50%,) (log pk - log Nf_50%,) à la même température d’essai.
Résultats de fatigue de différents tests standard et représentation classique des courbes de Wöhler dans le domaine log 0-log N _(f_50%,) (log pk - log Nf_50%,) à la même température d’essai.

Partie I-2

Plutôt que de considérer la rupture par fatigue avec la perte de 50 % du module initial (|E*0|) comme dans l’approche classique, les résultats des essais de fatigue réalisés dans le cadre du projet ont également été analysés suivant une nouvelle approche, fondée sur l’évolution de l’angle de phase du module complexe. Un tel critère de rupture a été décrit par Di Benedetto et al.14 comme étant en mesure de présenter une rupture pour la même durée de vie quel que soit l’essai de fatigue considéré (figure 5).

Sur ces figures, on identifie une transition entre la phase II et la phase III de l’essai de fatigue par une évolution de dérivée de la courbe. Les points a, b, c et d matérialisent pour chaque courbe cet instant ou l’évolution est détectée. Ces points sont reportés sur la figure 5a : on observe alors que quel que soit l’essai considéré (4PB ou T/C) ; la durée de vie des échantillons coïncident. Ces travaux ont inspiré la nouvelle méthode proposée pour l’analyse des essais de fatigue de ce projet.

figure_5.jpg

Exemple de résultats d’essais de fatigue présenté dans l’espace de black pour identifier la transition entre les phases II et III : (a) données d’essais de TC et 4PB14, (b) données d’essai 2PB(22).
Exemple de résultats d’essais de fatigue présenté dans l’espace de black pour identifier la transition entre les phases II et III : (a) données d’essais de TC et 4PB14, (b) données d’essai 2PB(22).

La figure 6 présente les courbes de Wöhler déterminées avec cette nouvelle approche pour les essais 2PB et TC.

Globalement, les valeurs de résistance en fatigue Ɛ6 sont très proches pour les deux essais : 183 μm/m avec une pente a2 de 10.1 pour T/C et 187 μm/m avec une pente de 8.5 pour 2PB. Ces résultats très encourageants pourront être employés plus largement s’ils sont confirmés sur les analyses des essais 4PB.

figure_6.jpg

Résultats de fatigue pour les essais T/C 2PB à 10 °C et 25 Hz avec la prise en compte du critère NfII/III.
Résultats de fatigue pour les essais T/C 2PB à 10 °C et 25 Hz avec la prise en compte du critère NfII/III.

Partie II-2

Le Regina Bypass est un contournement en voie rapide de la ville de Regina, au Canada, livré en 2019. Il comporte 45 km de doubles voies dans chaque direction en construction neuve, 18 km de réhabilitation d’une section existante de l’autoroute n° 1 et 5 km de travaux de renforcement d’une section existante. Le projet est réalisé dans le cadre d’un PPP (partenariat public-privé) avec la Saskatchewan (province de l’Ouest du Canada). Les structures bitumineuses sont réalisées avec des enrobés à haut module adaptés au climat local. Ces enrobés bitumineux à haute performance ont fait l’objet d’études particulières de conception de mélange permettant d’optimiser leurs caractéristiques rhéologiques.

Les performances des structures de chaussée ainsi que des enrobés à haut module sont surveillées par deux stations de contrôle équipées de capteurs de température profonds, de jauges de pression et de déformation afin de contrôler en permanence les structures de chaussée (photos 1). Cette instrumentation a été installée entre 2017 et 2019, pendant la phase de construction.

La température est mesurée à différentes profondeurs et enregistrée sur des serveurs toutes les 5 minutes. La déformation et la pression verticale, mesurées à la base des couches d’enrobé à module élevé, déclenchent, sur dépassement de seuil, une sauvegarde des données. Cette valeur a été calibrée pour n’enregistrer que la déformation et la pression produites par un camion.

La première année de surveillance a déjà démontré les avantages d’un tel système, le gel pouvant atteindre - 1,52 m de profondeur et les matériaux asphaltiques en surface pouvant descendre jusqu’à - 30 °C. L’analyse des contraintes montre les avantages de ce type de mélange.

Les données, capitalisées sur un serveur depuis 2018, seront comparées avec les modélisations ultérieurement.

photo_1a.jpg

Installation des capteurs de pression et déformation sur le chantier du Regina Bypass.
Installation des capteurs de pression et déformation sur le chantier du Regina Bypass.

CONCLUSION

Le projet de recherche partenarial franco-canadien présenté dans cet article s’attèle à la difficile tâche de la confrontation de deux des méthodes de dimensionnement internationales parmi les plus abouties : la méthode française et la méthode américaine.
À ce jour, les principaux enseignements de ces travaux sont les suivants :

  • Le recours aux méthodes de dimensionnement mécanistes – empiriques présente notamment l’intérêt de permettre l’innovation technologique.
  • La méthode française et la méthode américaine ne sont pas directement comparables.
  • Bien que les travaux ne soient pas encore achevés, les premiers résultats laissent entrevoir des perspectives d’établissement de passerelles, sous forme de corrélations entre les différents essais de fatigue internationaux.
  • À ce stade des recherches, le choix des critères de performances (critères de rupture des essais de fatigue) est déterminant dans l’établissement des corrélations. En particulier, il n’est pas établi que les critères d’essai conventionnels contribueront à une corrélation entre les essais.

Ces travaux donneront lieux à de nouvelles publications sur les parties du projet qui n’ont pas été couvertes ici (parties I-3, I-4 et II-1).

RÉFÉRENCES

1. NF EN 13108-1 « Mélanges bitumineux - Spécifications des matériaux - Partie 1 : enrobés bitumineux », février 2007.

2. NF P 98-086 « Dimensionnement structurel des chaussées routières - Application aux chaussées neuves - Chaussées - Terrassement - Dimensionnement et terminologie - Vérification du dimensionnement structurel des chaussées routières - Application aux chaussées neuves », mai 2019.

3. D. Perraton, M. Proteau, A. Carter, M. Meunier, R. Dufresne, “Development of High Modulus Asphalt Mixes for Cold Climate”, Proceeding, Canadian Technical Asphalt Association, 59, 1249-1268, 2014.

4. E. Layerle, « L’expérience française », “Toward High Performance Asphalt Concrete (HPAC) for Cold Climates: From a Material Viewpoint to Pavement Behaviour”, Workshop, Montreal, 2016.

5. M. Scabello, S. Lamothe, D. Perraton, H. Di Benedetto, “How to define High Performance Asphalt Concrete (HPAC), Called “EME” in France, for Cold Regions”, RILEM High Performance Asphalt Materials Symposium, Waterloo, Canada, 64, 2019.

6. M. Proteau, B. Pouteau, K. Berrada, S. LeBec, D. Heath, “Regina Bypass Project’s Innovative Asphalt Pavement Structures”, Proceeding, Canadian Technical Asphalt Association, 2017.

7. M. Proteau, K. Berrada, “Pavement Structure Performance Monitoring System Of The Regina Bypass Project”, Proceeding, Canadian Technical Asphalt Association, 63, 2018.

8. D. Perraton, M. Proteau, A. Carter, S. Lamothe, B. Pouteau, “Fatigue Consideration For Mechanistic-Empirical 5Me) Pavement Design Of High Performances Asphalt Concrete (Hpac)”, Proceeding, Canadian Technical Asphalt Association, 63, 2018.

9. S. Proteau Gervais, M. Proteau, D. Perraton, S. Lamothe, “Determination of the Field Calibration Coefficient (kc) of High Modulus Asphalt (HMA) for Cold Regions”, Proceeding, Canadian Technical Asphalt Association, 64, 2019.

10. American Association of State Highway and Transportation Officials, Mechanistic-Empirical Pavement Design Guide: A manual of Practice, Interim Edition, AASHTO, Washington DC, 2008.

11. M. Witczak, M. Mamlouk, M. Souliman, W. Zeiada, Validating an Endurance Limit for Hot-Mix Asphalt (HMA) Pavements: Laboratory Experiment and Algorithm Development (Appendix 1, Integrated Predictive Model for Healing and Fatigue Endurance Limit for Asphalt Concrete), NCHRP 9-44A, TRB, National Research Council, National Academies, Washington DC, 2013.

12. H. Di Benedetto, J.-F. Corté, Matériaux routiers bitumineux 2 : constitution et propriétés thermomécaniques des mélanges, Hermès-Science, Lavoisier, 283 p., 2005.

13. D. Perraton, H. Di Benedetto, A. Carter, « Correspondances entre les coefficients des modèles de fatigue de méthodes mécanistiques-empiriques de dimensionnement de chaussées », Revue canadienne de génie civil, 38 (11), 2011.

14. H. Di Benedetto, C. de La Roche, H. Baaj, A. Pronk, R. Lundström, “Fatigue of bituminous mixtures”, Materials and Structures, 37, (3), 2004.

15. NCHRP, Guide for Mechanistic-Empirical Design of New and Rehabilitated Pavement Structures (Appendix II-1: Calibration of fatigue cracking models for flexible pavements), TRB, NRC, 2004.

16. J. Yu, B.W. Tsai, X. Zhang, C. Monismith, “Development of Asphalt Pavement Fatigue Cracking Prediction Model Based on Loading Mode Transfer Function”, Road Materials and Pavement Design, 13, (3), 2012.

17. NCHRP, Guide for Mechanistic-Empirical Design of New and Rehabilitated Pavement Structures (Appendix II-1: Calibration of fatigue cracking models for flexible pavements), TRB, NRC, 2004.

18. D. Perraton, R. Touhara, H. Di Benedetto, A. Carter, “Ability of the Classical Fatigue Criteria to Point Out the Macro-crack Growth”, Materials and Structures, 48 (8), 2015.

19. N. Tapsoba, C. Sauzéat, H. Di Benedetto, “Analysis of Fatigue Test for Bituminous Mixtures”, Journal of Materials in Civil Engineering, American Society of Civil Engineers, 25, (6), 2013.

20. NF EN 12697-24 « Mélanges bitumineux - Méthodes d’essai pour mélange hydrocarboné à chaud - Partie 24 : résistance à la fatigue - Mélanges bitumineux - Méthodes d’essai pour mélange hydrocarboné à chaud - Partie 24 : Résistance à la fatigue », juin 2018.

21. AASHTO-T-321 “Standard Method of Test for Determining the Fatigue Life of Compacted Asphalt Mixtures Subjected to Repeated Flexural Bending”, 2017. 

22. M. Boussabnia, D. Perraton, S. Lamothe, H. Di Benedetto, M. Proteau, B. Pouteau, “Comparison of Fatigue Law Parameters obtained from Two-Point Bending (2PB) and Tension-Compression (TC) Tests”; Proceeding, Canadian Technical Asphalt Association, 64, 2019.

 

 

Revue RGRA