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Le projet de voie réservée covoiturage AREA sur l’A48 à Grenoble.
APRR

Voie réservée au covoiturage sur 8 km
Bientôt une réalité sur AREA
Ghislaine BaillemontDirectrice de l’Innovation, de la Construction et du Développement - APRR, Coline ArbeyChef de projets Développement du réseau - APRR

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Deuxième groupe autoroutier français et quatrième européen, APRR est un acteur majeur du déplacement, notamment dans le grand quart Est du pays. À ce titre, et précurseur dans la prise de conscience nationale en la matière, la société tient à jouer un rôle de premier plan dans la réflexion commune menée autour de la mobilité et de l’intermodalité. En étroite concertation avec les pouvoirs publics, sa filiale, AREA, concessionnaire de la majeure partie des autoroutes en Rhône-Alpes, est en première ligne de l’innovation.

La prise de conscience existe désormais au niveau local : la plupart des collec­ tivités se sont saisies du sujet et invitent leurs partenaires à formuler des propo­ sitions pour une mobilité plus propre, plus connectée, plus solidaire, plus intermodale, plus sûre et plus soutenable. On le constate, les projets sont potentiellement variés, importants et passionnants !

VERS UNE MOBILITÉ PLUS RESPONSABLE

Si tout a commencé avec la COP 21 de Paris, fin 2015, c’est en septembre 2017 que tout s’accélère : Élisabeth Borne, ministre chargée des Transports, lance les Assises nationales de la mobilité, afin d’identifier les besoins et les attentes prioritaires des citoyens en matière de mobilité. Pour cela, usagers, collectivités, opérateurs, acteurs éco­ nomiques et ONG de l’ensemble du pays ont été conviés à participer à l’émergence de nouvelles solutions.

Cette réflexion collective a posé les bases de la loi d’orientation des mobilités (LOM), dont la version finale devrait être dévoilée prochainement.

Selon les souhaits du gouvernement, la LOM doit relever quatre grands défis :

  • trouver des solutions pour de nombreux territoires qui vivent un sentiment d’assignation à résidence ;
  • changer nos comportements pour répondre à l’urgence environnementale et climatique ;
  • sortir des impasses d’une politique d’infrastruc­ tures tournée vers de grands projets ;
  • accomplir une révolution de l’innovation et des pratiques.

AU SERVICE DES TERRITOIRES

Pour APRR, l’autoroute doit aujourd’hui s’intégrer dans les territoires et les mettre en valeur en participant pleinement aux grandes orientations urbanistiques et de déplacement. Il ne s’agit plus de construire de nouvelles infrastructures, mais de partager celles existantes. Il y a lieu de dépasser la fonction de facilitateur de transit pour se tourner vers une mobilité adaptée du quotidien. Ces nouveaux enjeux nécessitent une collaboration plus étroite avec les collectivités et les structures locales dans un véritable travail partenarial.

L’autoroute ne doit plus être considérée comme strictement dédiée à un mode de transport individuel exclusif (véhicule léger ou poids lourd), mais aussi comme un vecteur de transport collectif.

Dans ce cadre, AREA prépare les évolutions de mobilité et imagine le voyage de demain. Par le biais de projets ou d’expérimentations, l’entreprise réalise déjà des parkings dédiés au covoiturage, des voies réservées aux transports en commun, des arrêts pour faciliter les changements de mode et des bornes ultrarapides de recharge électrique.

DES CONDITIONS RÉUNIES POUR L’ACTION

Depuis plus de 10 ans, la métropole grenobloise est dotée d’une voie réservée au transport collectif sur l’A48 : la voie spécialisée partagée (figure 1).

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Contexte grenoblois - Localisation des voies réservées AREA existante et projetée sur l’A48.
Contexte grenoblois - Localisation des voies réservées AREA existante et projetée sur l’A48.
APRR

Le contexte de Grenoble­Alpes Métropole est en effet caractérisé par une topographie très contrainte, prise en étau entre trois massifs monta­ gneux qui en restreignent les portes d’entrée. La métropole grenobloise est desservie par 3 axes autoroutiers : l’A48 au nord (prolongée par la RN 481 qui pénètre dans la ville centre), l’A480 au sud et l’A41 au nord­-est.

Le dynamisme de cette agglomération de plus de 450 000 habitants entraîne une activité écono­ mique importante : le trafic régional et les déplace­ments internes provoquent des congestions récurrentes la majeure partie de la journée. L’espace 

urbain est de fait engorgé dès les premières heures de manière chronique – les flux de trafic sur les portes d’entrée de la métropole sont denses. Sur l'A48 par exemple, le trafic journalier dépasse régu­ lièrement 100 000 véhicules/jour.

Le territoire propose par ailleurs une offre élevée en modes de transport alternatifs, composée de 6 lignes de tramway, de nombreuses lignes de bus, d’un réseau cyclable dense ou encore de trains express régionaux ( TER) cadencés. Cependant, la part prise par la voiture demeure très élevée et les difficultés perdurent.

Enfin, la diversité de cette métropole – composée de territoires urbains, périurbains et ruraux – porte en elle des attentes et des besoins multiples.

En bref, un terrain favorable à l’innovation... Avec des acteurs locaux volontaires et sensibles à la thématique environnementale, AREA mène un dialogue riche et soutenu depuis 2015.

Plusieurs documents cadres ont une portée signi­ ficative, comme le plan de protection de l’atmos­ phère (PPA), auquel a été associé un programme d’actions ambitieux notamment en matière de mobilité. C’est le cas du projet GREAT (GREnoble Alps Together) auquel AREA est associé et constitue un partenaire de premier rang. En effet, le volet « mobilité » de ce projet contient un programme ambitieux de développement du covoiturage. Par ailleurs, des outils ont déjà été mis en place, tels que la régulation dynamique des vitesses, la circu­ lation alternée en cas de pics de pollution et, depuis plus de dix ans, une voie réservée aux trans­ ports en commun en lieu et place de la bande d’arrêt d’urgence (BAU).

2007 : PRIORITÉ AUX TRANSPORTS EN COMMUN

En 2007, une voie spéciale partagée (VSP) a été tes­ tée pour la première fois sur un tronçon d’environ 8 km qui débute après la barrière de péage de Voreppe – avant l’entrée dans l’agglomération – pour prendre fin aux portes de Grenoble (photo 1).

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La voie spécialisée partagée AREA sur l'A48.
La voie spécialisée partagée AREA sur l'A48.
Département de l'Isère

Exclusivement dédiée aux transports collectifs locaux, elle est exploitée de manière dynamique selon l’état de la circulation : mise en service auto­ matiquement au moment où la montée en charge du trafic le nécessite, elle est désactivée quand le besoin ne se fait plus sentir. Son fonctionnement étant contrôlé dynamiquement, il est tout à fait possible de la neutraliser en cas d’urgence.

Après plus de 10 ans d’activité, le constat est tou­jours aussi bon : les temps de parcours sont garan­ tis pour les voyageurs. Les bus bénéficient d’une voie dégagée sans que le concessionnaire ait eu besoin de modifier la voirie si ce n’est de renforcer la BAU à certains endroits. Sur les 8 km, le gain de temps est estimé à plus de 6 minutes (figure 2). Le succès étant au rendez­-vous, le nombre de voyageurs a considérablement augmenté, et le seuil de 30 véhicules à l’heure a été atteint.

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Gain de temps de parcours des bus sur la VSP de l’A48.
Gain de temps de parcours des bus sur la VSP de l’A48.
Département de l'Isère

En 2018, AREA a donc demandé de prolonger l’ex­ périmentation pendant 3 ans supplémentaires et de porter la fréquentation jusqu’à 99 véhicules autorisés par heure. L’accord a été donné par l’État début 2019.

En parallèle, des études sont menées pour mettre la VSP en conformité avec les recommandations du nouveau guide VRTC (voies réservées aux trans­ ports en commun) publié en 20171. Cette mise aux normes selon les exigences du nouveau guide entraînera plusieurs modifications significatives pour l’exploitation : voie ouverte en permanence, vitesse limitée à 70 km/h...

2017 : NOUVEAU PROJET, NOUVEAU CHALLENGE

Guide VR2+ : un référentielCe guide constitue un référentiel technique de conception des voies réservées aux véhicules à nombre d’occupants élevé. Rédigé par le Cerema, il est attendu pour mi-2019. Il posera les bases de conception et d’exploitation de ces nouveaux aménagements destinés à favoriser les mobilités propres et soutenables.
Par l’expérimentation de la VR2+ sur A48, AREA souhaite contribuer à la mise à jour de ce guide VR2+ en y apportant son expérience et son expertise.

Aujourd’hui, l’opportunité d’aménager une voie réservée aux automobiles transportant au moins deux voyageurs (nom de code VR2+) est en cours d’étude sur l’A48 sur la même section que la VSP. Cette étude d’opportunité initiée fin 2017 est menée en étroite concertation avec les services de l’État (ministère de la Transition écologique et soli­ daire et Cerema) et les collectivités (département de l’Isère, préfecture, Grenoble­Alpes Métropole, etc.). Elle vise à évaluer la pertinence de déployer un tel aménagement en vue d’inciter les usagers à délaisser l’autosolisme, au profit d’une mobilité plus partagée et plus soutenable.

Les véhicules concernés sont des voitures à taux d’occupation élevé, c’est­à­dire avec au moins deux personnes à bord, que ce soient des collègues, une famille ou des personnes mises en relation grâce à une plate­forme web.

De nombreux scénarios ont été étudiés. Dans un premier temps, trois ont été retenus (figure 3) :

  • réserver la voie de gauche pour les transports collectifs et les véhicules à taux d’occupation élevé ;
  • attribuer cette même fonction à la BAU ;
  • laisser les transports collectifs sur la BAU et réserver la voie de gauche aux véhicules à taux d’occupation élevé.

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Étude d’opportunité AREA de la VR2+ de l’A48 : schéma des trois scénarios de positionnement de la voie réservée covoiturage.
Étude d’opportunité AREA de la VR2+ de l’A48 : schéma des trois scénarios de positionnement de la voie réservée covoiturage.
APRR

Le premier scénario n’est pas favorable à un accès aisé des bus depuis les bretelles des diffuseurs pour prendre et déposer des passagers : il a vite été écarté.

Le deuxième a été évalué insuffisamment en adé­ quation avec les règles de sécurité et n’offrait qu’un gain de temps limité aux usagers.

C’est donc le troisième scénario, associant une voie réservée aux bus sur la BAU et une voie réservée aux véhicules à nombre d’occupants élevé sur la voie de gauche qui a été validé par les services de l’État à l’issue de l’étude d’opportunité.

Les études de fonctionnement de la voie qui concluent l’étude d’opportunité ont en effet démontré que ce troisième scénario garantit un véritable gain de temps de parcours pour les usa­ gers 2+, tout en contraignant de manière mesurée les usagers qui font le choix de rester seuls dans leur véhicule (figure 4).

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Résultats de l’étude de fonctionnement AREA de la VR2+ de l’A48 : gain de temps de parcours des véhicules en covoiturage grâce au projet.
Résultats de l’étude de fonctionnement AREA de la VR2+ de l’A48 : gain de temps de parcours des véhicules en covoiturage grâce au projet.
APRR

Les bus, quant à eux, ne sont pas perturbés par cette expérimentation en voie de gauche, puisqu’ils conservent leur voie dédiée.

La pertinence de l’expérimentation est aujourd’hui actée, ce qui a conduit AREA à engager la suite des études techniques pour préciser les conditions d’exploitation de la voie réservée VR2+ : mode et procédures d’exploitation dynamique (afin que la voie soit activée de manière dynamique unique­ ment lorsque les conditions le nécessiteront, avec une possibilité de désactivation en cas d’accident), nouvelle signalisation, communication auprès des usagers, mode de contrôle.

Ce dernier élément constitue un enjeu important pour la suite. Il est en effet indispensable de vérifier que les véhicules qui empruntent la VR2+ sont bien habilités à le faire, même si la mission d’AREA ne consiste pas à sanctionner les contrevenants.

RÉFÉRENCE

  1. Cerema, Voies structurantes d’agglomération (VSA) - Aménagement des voies réservées aux services réguliers de transports collectifs, 2017.

Revue RGRA